Ami d'Athénaïs DENIS DE CUZIEU, Alexandre Étienne CHORON est un musicien et pédagogue français né à Caen (Calvados) le 21 octobre 1771 et mort à Paris le 29 juin 1834. Fondateur de l'Institution Royale de Musique Religieuse à Paris dont Athénaïs est directrice pour les Dames de 1824 à 1828. Il joue un rôle essentiel en France pour opérer une distinction claire entre musique sacrée et profane (l'esprit profane et la musique d'opéra se mêlaient alors au chant d'église). CHORON est aussi à l'origine de l'intérêt pour l'histoire de la musique, qui s'est perpétué jusqu'à nos jours : auparavant, on s'intéressait peu ou pas du tout aux œuvres des époques précédentes.
Education :
Fils d'Etienne Louis CHORON, directeur général des Fermes à Caen en Normandie, écuyer, Secrétaire du Roi. Né et éduqué dans un milieu et dans un environnement maçonnique : son père appartient à la Loge "Constante Fabert" à l’Orient de Caen (Apprenti en 1782, Maître en 1784 et Vénérable en 1785 - Archives Nationales, cote FM/2/189/I). CHORON fait des études de mathématiques au collège des Jésuites de Juilly, puis à l’Ecole des Mines. Doté d’une mémoire prodigieuse, il sait à l’âge de 15 ans, parler et écrire sans difficulté le latin, le grec et l’hébreu : c'est un mathématicien en même temps qu’un musicien ! Gaspard MONGE, le fondateur de l’Ecole polytechnique et le père de la géométrie descriptive, le prend pour élève et lui confie, en 1795, les fonctions de répétiteur de géométrie descriptive à l’Ecole Normale. MONGE est également un Frère maçon initié à Mézières en 1768 dans la Loge "L'Union Parfaite du Corps Royal du Génie". Quoique son père lui ait interdit d'étudier la musique, CHORON s'initie seul aux théories de Jean-Philippe RAMEAU. Ami de GRETRY, sur ses conseils, il prend des leçons d’harmonie auprès de l’abbé Nicolas ROZE, franc-maçon lui aussi, (1745-1819), ancien maître de chapelle des Saints-Innocents, et également auprès de BONESI. Ce dernier le familiarise avec le traité de fugue et de contrepoint de Nicolo SALA (1701-1800) et avec la musique italienne. Il en tire la matière de son ouvrage : Principes de composition des écoles d'Italie. Il apprend l'allemand afin d'étudier les traités de musique écrits dans cette langue, puis entreprend de réformer toutes les branches de l'activité musicale.
Carrière :
Membre correspondant de l'Académie des beaux-arts, Alexandre-Étienne CHORON est chargé en 1811, par le ministre des Cultes de Napoléon Ier, de réorganiser les maîtrises avec le titre de Directeur de la musique des fêtes religieuses. Nommé « régisseur » de l'Opéra de Paris le 18 janvier 1816 il provoque la réouverture du Conservatoire, fermé depuis 1815, sous le nom d'École royale de chant et de déclamation. Dès le 30 mars 1817, il est contraint de démissionner de la direction de l'Opéra, sans pension, par suite du trop grand nombre de changements qu'il avait voulu apporter.
Institution Royale de Musique Religieuse :
- Après la démission de ses fonctions de directeur de l’Opéra, Alexandre CHORON se consacre alors uniquement à la réalisation d’un grand projet : l’ouverture d’une Ecole royale et spéciale de chant. Créée déjà en 1816, elle prospère rapidement pour s’appeler finalement Institution Royale de Musique classique et Religieuse. Située 69 rue de Vaugirard, cette institution est destinée au rétablissement de la musique religieuse. L’instruction dispensée porte sur le solfège, la musique instrumentale en tant qu’elle rapporte à l’accompagnement du chant, notamment sur le forte-piano ou l’orgue, le violon et le violoncelle, l’harmonie pratique et la composition musicale et bien entendu sur les matières scolaires traditionnelles (français, latin, belles-lettres, géographie, histoire, grammaire) et sur l’éducation religieuse et morale.
- Les concerts des élèves de Choron vont exciter l’admiration de tous. On peut entendre là, et seulement là, des compositions de Bach, Palestrina, Haendel et d’autres grands maîtres d’Allemagne ou Italie. C’est la première fois en France que des œuvres si admirables sont exécutées par des masses chorales de cette importance ! La renommée de l’école de CHORON est incontestable : on le réclame en concerts partout en France (Autun, Nevers, Moulins, Tours, Tulle, Rennes, Montauban...) ; l’église Notre-Dame-de-Lorette à Paris fait appel à lui pour les grandes fêtes ; les élèves assurent régulièrement les offices chantés de l’église de la Sorbonne, où CHORON détient d’ailleurs le titre officiel de maître de chapelle ; un grand nombre de cathédrales le prient de lui envoyer des élèves pour en faire leur maître de chapelle. La formation des élèves de CHORON représentait en effet un grand progrès, notamment avec la substitution du serpent par l’orgue d’accompagnement.
- Athénaïs DENIS DE CUZIEU, madame DE SAINT-THOMAS, n'est pas une musicienne professionnelle, mais une pianiste amateure d'un bon niveau. Peut-être sur une recommandation ancienne de DUMONCHAU, son ancien professeur à Lyon (décédé depuis 1820) qui avait sans doute rencontré CHORON au cours de ses années passées à Paris, Athénaïs se rapproche de ce fameux musicologue lors de son installation dans la capitale en 1824. A moins que le lien relationnel n'ait été établi par le réseau maçonnique de son père le colonel baron DE CUZIEU, également Franc-maçon initié en 1785 à Strasbourg à la Grand Loge du Duc de Chartres. Son école étant mixte, Alexandre CHORON lui confie alors le poste de directrice (école des Dames) de son Institution Royale de Musique Religieuse. Celle-ci, dont le bâtiment principal se trouvait 69 rue de Vaugirard à Paris, avait conservé (à cette époque) son premier bâtiment du début de la rue du Regard (Pensionnat royal de chant). Grâce à la correspondance d'Athénaïs, nous connaissons les prénoms de 3 de ses élèves : Élie, Hortense et Joséphine (lettre d'Hector DENIS DE CUZIEU à sa sœur le 22 octobre 1825).
- A la fin de la Restauration, l’école de CHORON dépend directement de la Maison du roi, département des Beaux-Arts, qui lui accorde d’importantes subventions. La Révolution de Juillet et la perte du soutien légitimiste mènera l'Institution à sa perte : Louis-Philippe, roi des Français, commençe en 1831, par la faire dépendre du Ministère de l’Intérieur, puis par celui du Commerce. Parallèlement les subventions deviennent de plus en plus réduites (de 46 000F en 1830, elles passent à 12 000F en juin 1831 !) pour finir par être entièrement supprimées. Alexandre CHORON ne peut supporter cette situation. Sa santé décline rapidement, d’autant plus qu’il déploie d’intenses efforts pour maintenir son école. Il s’éteint à Paris le 29 juin 1834, laissant une multitude d’œuvres musicales : des recueils destinés à l’enseignement et au service des églises, des hymnes, antiennes à deux, trois et quatre voix, des chorals en faux-bourdon à trois voix, une méthode de plain-chant, une méthode d’harmonie, un Livre choral de Paris, contenant le chant du diocèse de Paris écrit en contre-point, une Messe à trois voix sans accompagnement, des psaumes et motets, un Stabat Mater à trois voix avec orgue... Son Institution Royale de Musique Religieuse ne lui survit que peu de temps. La direction est reprise par son gendre Stéphane NICOU-CHORON, excellent musicien auteur de Messes, oratorios, cantates et autres chœurs, mais l’année suivante elle doit fermer définitivement ses portes, faute de crédits.
- Heureusement l’œuvre de CHORON, qui était parvenu à renouer la tradition, ne disparait pas avec sa mort. Le prince de la MOSKOWA, ami de CHORON, fils aîné du maréchal NEY, passionné d’art choral, reprend le flambeau en fondant une Société de musique vocale, religieuse et classique en 1843. Il fait ainsi découvrir Ockeghem, Palestrina, de Lassus, Victoria, Gabrieli non seulement en exécutant leurs œuvres, mais également en les publiant. Dix ans plus tard Louis NIEDERMEYER, soutenu par le prince de la MOSKOWA, ranime l’œuvre de CHORON en créant une Ecole de musique classique et religieuse. De celle-ci sortiront d’éminents musiciens, tels Gabriel Fauré, Eugène Gigout, Albert Périlhou, André Messager, Léon Boëllmann, Edmond Audran ou encore Henri Büsser. La flamme est ensuite reprise par Charles Bordes, Alexandre Guilmant et Vincent d’Indy avec la fondation (1894) de la Schola Cantorum. De cette école est issue, depuis son ouverture, une foule d’artistes de grand talent parmi lesquels nous citerons René de Castéra, Joseph Civil, Marcel Labey, Guy de Lioncourt, Albert Roussel, Gustave Samazeuilh, Déodat de Sévérac, Auguste Le Guennant, Marc de Ranse, Edgar Varèse, Georges Auric, Abel Decaux, Alexis Galperine... Enfin, quelques décennies plus tard, en 1935, le flambeau était passé à son tour à l’Ecole César Franck, créée par d’anciens professeurs de la Schola (Louis de Serres, Guy de Lioncourt et Marcel Labey). Là encore sortira une pléiade d’élèves renommés : Paule Piédelièvre, Michel Chapuis, André Isoir, Francis Chapelet, Jacques Berthier, Joachim et Elisabeth Havard de la Montagne, Emmanuel de Villèle, René Bénéditti, et encore Carlo Boller, l’abbé Pierre Kaelin, Papadopoulos, Hirao, Ma-Hiao Tsi’un...
En 1832, Alexandre CHORON intervient auprès du Vicomte DE SAINT-MARS, Secrétaire-général de la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur, pour appuyer le dossier d'admission de la jeune Clémentine DE SAINT-THOMAS à la Maison Royale de Saint-Denis.
CHORON a publié de nombreux ouvrages de musique. Il a aussi laissé des papiers volumineux, conservés à la Bibliothèque nationale de France.